La solitude des nombres premiers by Paolo Giordano

La solitude des nombres premiers by Paolo Giordano

Auteur:Paolo Giordano [Giordano, Paolo]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature italienne
ISBN: 978-2-7578-1752-0
Éditeur: Éditions du Seuil
Publié: 2007-12-31T16:00:00+00:00


26

L’amour de Denis pour Mattia s’était consumé tout seul, telle une bougie qu’on laisse brûler dans une chambre vide, et s’était effacé devant une insatisfaction avide. À dix-neuf ans, Denis avait trouvé à la dernière page d’un journal local la publicité d’une boîte gay, il l’avait arrachée et conservée deux mois dans son portefeuille. De temps à autre, il déroulait ce lambeau de papier et relisait l’adresse qu’il connaissait par cœur.

Les garçons de son âge sortaient avec des filles et s’étaient habitués à la sexualité au point de cesser d’en parler du matin jusqu’au soir. Denis devinait que sa seule issue résidait dans ce bout de journal, dans cette adresse que ses doigts moites avaient un peu délavée.

Il y était allé par un soir de pluie, sans même le décider vraiment. Il avait enfilé des vêtements péchés au hasard dans son armoire et, avant de quitter l’appartement, avait crié à ses parents, dans la pièce d’à côté, je vais au cinéma.

Il était passé deux ou trois fois devant la boîte, en faisant chaque fois le tour complet du pâté de maisons. Puis il était entré, les mains dans les poches, après avoir adressé un signe de complicité au videur. Il s’était assis au comptoir, avait commandé une bière blonde et l’avait sirotée en attendant, les yeux rivés sur les bouteilles alignées contre le mur.

Un type s’était approché, et Denis avait d’emblée décidé de le suivre. L’homme avait parlé de lui, ou peut-être d’un film que Denis n’avait pas vu. Il hurlait à son oreille, et Denis n’écoutait pas le moindre mot. Il l’avait brusquement interrompu en lui disant allons aux toilettes. Le type s’était tu et avait souri de ses vilaines dents. Denis avait pensé qu’il était horrible, qu’il n’y avait pas d’interruption entre ses sourcils, qu’il était vieux, trop vieux, mais que ce n’était pas important.

Aux toilettes, le type lui avait soulevé son tee-shirt et s’était penché pour l’embrasser, et Denis l’avait évité. Il s’était agenouillé et lui avait déboutonné son pantalon. L’autre avait dit bon sang ce que tu es pressé, sans s’opposer. Denis avait fermé les yeux et s’était dépêché.

N’ayant rien obtenu de cette manière, il avait conclu qu’il était un empoté. Alors, il avait utilisé ses deux mains avec insistance. Il avait éjaculé en même temps que le type, dans ses vêtements. Il était ressorti à toute allure, sans laisser à l’inconnu le temps de se rhabiller. Les sentiments de culpabilité, ceux de toujours, l’attendaient derrière la porte des chiottes, ils l’avaient assailli à l’instar d’un seau d’eau glacée.

Il avait erré dehors pendant une demi-heure à la recherche d’une fontaine pour se débarrasser de cette odeur.

Il était retourné plusieurs fois dans cette boîte. Chaque soir, il parlait à un homme différent et trouvait toujours une excuse pour ne pas dire son nom. Il n’avait plus suivi personne. Il collectionnait les histoires d’individus semblables à lui, se taisait la plupart du temps et écoutait. Peu à peu, il avait découvert que tous ces récits se ressemblaient, qu’il



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